quinta-feira, 16 de dezembro de 2010

Conception entre science et art. Regards multiples sur la conception. Jacques Perrin (Dir.), INSA, 2001

"Néanmoins, une partie de la démarche de conception ne releve pás de la science mais de l´art. […] Il n´est pás sûr que la composante artistique de la conception aille en diminuant avec la formalisation progessive de la démarche de conception rendue possible par le développement de la science de la conception. En effet, la complexité croissante dés problèmes à résoudre, la nécessaire prise en compte de l´évolution des usages, la mise en oeuvre de conceptions participatives obligent les concepteurs à développer de nouvelles pratiques qui mobilisent à la fois leur capacite de scientifique et d´homme de l´art.
[…] les artefacts sont dês médiateurs entre la pensée et le comportement. En soulignant que ces théories définissent les artefacts en y incluant les instruments, les machines, mais aussi les signes, le langage, elle nous permettent ainsi de mieux comprendre comment les processus mentaux des humains sont profondément influencés par les moyens socio-culturels qui les médiatisent.”

Jacques Perrin. La conception entre science et art

“Bertolt Brecht dans ses écrits théoriques analyse le Théâtre de l´ère scientifique en montrant qu´il doit faire passer le spectateur de l´expérience naturelle de ses automatisms perceptifs à une experience réfléchie. Le theatre rompt ainsi avec cette «image naïve de la réalité sensible» dont parlait Paul Valéry, pour proposer une conception et une representation autres du monde.
Brecht se propose donc, dans son travail et dans ses oeuvres, d´abandonner le «theatre de carrousel» pour donner à voir un «theatre de planetarium». Dans le premier cas, c´est la formule habituelle des spectacles bourgeois, le théâtre de l´expérience vécue du spectateur, qui tourne en rond, car il ne provoque que des faux changements dans la perception de notre monde. Je verse ma proper psychologie dans le personnage: c´est moi que je vois en l´autre, je n´apprends rien de neuf sur moi ni sur le monde. Dans le théâtre que Brecht veut inventer, le spectateur, comme dans un planétarium, reste à sa place mais le ciel bouge: il s´agit d´un vrai mouvement qui libère le regard critique et provoque «l´effroi nécessaire à la connaissance.» C´est aussi un théâtre de l´action et du geste qui est posé souvent comme une énigme, parce qu´il n´est pas fixé par une substance psychologique. Il vient d´un monde en mouvement, il interrompt l´action et suscite une volonté d´analyse.
Le théâtre est alors, pour le spectateur mais plus encore pour ses acteurs, un artefact au sens où le définit Simon: «interface entre un projet et un contexte».”

“Nous interrogerons la pratique théâtrale (et non le produit/spectacle pour le spectateur) comme processus de conception/creation d´une telle representation.. Nous avons, à cet égarde, à être prudents sur l´emploi du terme acteur dont l´usage se développe de manière proliférante et omniprésente dans tous les champs des sciences sociales. Est acteur au sens contemporain et francophone toute personne engagée dans une action individuelle ou interactive d´initiatives ou de décision.
Cette métaphore théâtrale nous conduit donc, sans snobisme anglophone particulier, à préférer le terme de perfomer pour les personnes réellement engagées dans une représentation sur un plateau de théâtre, comme on entend aussi performing arts pour les spectacles vivants.”

“C´est l´époque romantique, sous l´influence de l´allemand, qui va transporter le terme d´art dans le domaine de l´esthétique et distinguer l´artiste de l´artisan. Quant au terme technique il garde de son sens originel: «construire, fabriquer» la signification contemporaine de «manière précise de procéder en quelque domaine que ce soit».”

“Dans la pratique théâtrale aussi on sait bien que la «présence» d´un comédien par example, la force de l´incarnation qu´il évoque sur scène, est extrêmement difficile à definir et qu´il n´y a pás de procédures rigoureuses de formation. «Je pense qu´on doit definir la présence d´une manière extrêmement pragmatique. Qu´est-ce que la présence? C´est ce qui agit sur le spectateur. A partir de là on peut se demander s´il existe une technique qui permette à n´importe quel acteur d´agir sur les spectateurs.» [Eugenio Barba]”

“On peut rapprocher cette remarque de la définition que donnait L. Pirandello: “La vie a une forme, mais l´art est une forme» et dans le domaine de conception cette observation d´un enseignant-chercheur formant les étudiants à la conception: «Dans un premier temps les jeunes n´expriment qu´eux-mêmes, c´est-à-dire des idées banales, recues de-ci, de-là. Soit sous forme de schémas, soit sous forme de calculs: ils reproduisent les stéréotypes. C´est un des points sur lesquels on bute le plus: se dégager des stereotypes. Par contre donner une certaine forme et aller vers une structure… généraliser une expression, à ce moment-là ça deviant réellement une culture.» [D. Play]”

“Le performer est donc en quelque sorte un oxymora [figure de style qui rassemble deux contraires], où coexistent artificialité et vitalité, où le corps est à la fois chair à vif et hiéroglyphe. Il est dans l´action et il produit des images. C´est bien du spectateur de donner un sens à ce qu´il voit, entend, ressent.“

“L´une des définitions de la conception, du moins en termes de résolution de problèmes suggère que: «concevoir, c´est accomplir une réduction progressive d´un espace de recherche initialement très large: un moyen efficace de réduire cet espace est alors de formuler, de propager et de satisfaire les contraintes liées au problème» [Perrin, 2001].“
“Un artefact est-il inventé avant d´être constitué en objet technologique ou est-il inventé parce qu´on (un groupe social) le constitue comme tel? Un ouvrage récent (Bijker) propose un réponse radicale: c´est le fruit de la nécessaire rencontre d´un cadre technologique propice, d´un inventeur et d´un groupe social approprié.“

“En effet on a pu considerer que lorsque la finalité se distingue de l´objet, apparaît l´activité de conception; qui est d´abord un processus d´abstraction; puis on revient vers un concret: l´artifice à construire. Le caractère essentiel de l´artifice est qu´il vient après l´idée (c´est la métaphore de l´abeille et de l´architecte): «Ce qui distingue dès abord le plus mauvais des architectes de l´abeille la plus experte, c´est qu´il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche.» (K. Marx, souvent cité par Le Moigne).
D´où un problème pour l´oeuvre artistique, qui est plus dans le sensible que dans le conceptual (sauf recherches formelles) et l´«art conceptuel». Cependant au théâtre on pourrait apporter un correctif: il y a déjà un texte (le plus souvent) préalable c´est-à-dire un faisceau de sens, un universe en quelque sorte déjà conceptualisé.”

“Clément Rosset (1995) quant à lui, montre que tous les artefacts «manifestent une non-nécessité qu´on peut appeller artífice ou hasard». Ils seront les résultats réussis de projets, d´intentions, d´expériences, impensables a priori. «Il suffit de concevoir le hasard comme générateur d´innombrables tentatives, et l´existence comme le résultat de certaines de ces tentatives.»
D´où l´audacieuse équation: ÊTRE = HASARD + SUCCÈS.”

“Dans les sociétés contemporaines en crise, on aperçoit que le modèle du travail, présenté uniquement comme transformation des choses et non des personnes, touche ses limites. On voit aussi que l´innovation technologique n´entraîne pas forcément le progrès économique qui à son tour n´est pas le vecteur assure d´un mieux-être social, politique, mental ou moral. On en verrait à l´heure actuelle plutôt des contreexemples nombreux et dramatiques. Peut-être faut-il alors chercher ailleurs un développement qui ne se confondrait pas avec la croissance cumulative des objets.
Chez nos étudiants, la pratique du théâtre entraîne des processus de transformation réciproque d´expérience en connaissance, des métamorphoses personnelles parfois spectaculaires. Elle leur apprend un rapport à une oeuvre, à une entreprise commune et partagée, à travers laquelle la transformation des choses ou des données n´a de sens qu´en s´accompagnant de la transformation de soi-même.
Ce sont, au sens propre, des prises de conscience.”


Françoise Odin. “Des ingénieurs sur un plateau“.